Biographie

 

Le hasard n’y est pour rien. Entre un père, Pierre Petit, compositeur, et une mère, Christiane Castelli, cantatrice à l’opéra de Paris, les risques étaient minimes de s’égarer sur d’autres voies. Mieux, son père ayant remporté en 1949 le prestigieux Prix de Rome, avec pour récompense de séjourner trois ans durant dans la célèbre villa Medicis, c’est dans la ville éternelle qu’est né Didier Petit, le 2 novembre de la même année. Quand viendra le moment de se lancer à son tour, le jeune homme inversera ses deux prénoms pour se créer un nom de scène. Et devenir Romain Didier.

Elevé à Paris, dans une ambiance musicale, cela va sans dire, il se montre vite réfractaire à certaines contraintes. Le piano l’intéresse mais il refuse de prendre des cours, donc il apprend seul, en se calquant sur les chansons entendues à la radio. Les mots ne sont pas son obsession. Après son bac, il fréquente – un peu – la faculté de lettres et se passionne surtout pour les textes de Brel, Brassens, Ferré, Aznavour ou Trenet. Dans les années 70, pianiste de bar, il se familiarise avec les standards de ses chanteurs fétiches qu’il joue et rejoue sur commande. Quel meilleur moyen d’apprendre ? C’est un passage qui va durer longtemps. Il cherche ses musiques, se trouve un compagnon d’écriture, Patrice Mithois, et compose sans cesse. Les textes ? Ce n’est toujours pas son souci premier. « Je n’avais pas de culture littéraire mais je pratiquais la musique toute la journée, c’était mon monde. » .

1980, le grand saut. Un premier album, Paroles musiques, dont il a composé toutes les musiques et…aucune des paroles. De ce côté, Patrice Mithois tient encore la barre. Nicole Croisille, pour laquelle il avait composé l’année précédente, lui offre de chanter en première partie de ses spectacles. C’est un coup de pouce inestimable.

1981, première scène en vedette au Petit Montparnasse qui l’accueille pendant quinze jours. France Inter lui propose de représenter la France au festival de Spa, en Belgique. Bonne idée : sa chanson, Amnésie, y remporte trois prix. Il a un peu plus de trente ans, c’est jeune, pas assez pour ignorer des ravages qui ne sont pas de son âge. Plus tard il écrira « La retraite » en un temps où tout cela ne le concerne pas.

1985, au printemps de Bourges, la rencontre décisive avec Allain Leprest. La naissance d’une amitié absolue. Et d’un lien artistique, unique. Un premier album en commun, Romain Didier 88, puis Place de l’Europe (1989), encore écrit en partie par Allain Leprest, ainsi que Pantin Pantine (1996), un opéra pour enfants. L’écriture d’Allain colle magnifiquement aux musiques de Romain…A moins que ce ne soit l’inverse.

D’ailleurs, Romain se prend de plus en plus au jeu de l’écriture. C’est là, à l’approche de la quarantaine qu’il commence d’installer son univers. Dix ans se sont écoulés depuis « L’aéroport de Fiumicino », retour en enfance. Dans les années qui viennent, tel un peintre intimiste, il ne va plus cesser, touche par touche, d’installer sur la scène et de graver sur des cd toutes ces vies qui trottent dans sa tête.

Ensemble, Allain et Romain multiplient les spectacles, les disques, les ouvertures vers les autres, notamment Kent et Enzo Enzo, pour lesquels Romain écrit.

Il lui faut aussi penser à lui. Romain Didier en concert (1997) obtient le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros. J’ai noté (1999), aux sonorités plutôt jazzy, est le premier album dont il signe intégralement paroles et musiques. En 2001, il monte un nouvel opéra pour enfants, Pinocchio court toujours, sur des textes de Pascal Mathieu.

Le vacarme n’est pas son fort. Sans multiplier les éclats, sans hausser le ton, Romain Didier a mis en place un univers, une atmosphère musicale que tout le monde peut identifier et aimer. Cette fois, paroles et musiques sont intimement liées. Ses chansons ressemblent étrangement à des films de Claude Sautet. Le brouillard des larmes n’est jamais loin. La mélancolie et la nostalgie y tiennent une grande place (« Mon écharpe grise »). Et aussi les marques de l’enfance qui ne s’en va jamais (« Je me suis barré d’un môme », L’enfant que j’étais »), la cruauté du temps qui s’écoule et nous ravage (« Elsa Heimer »), les petits comptes d’apothicaire qui résument une vie de couple (« J’ai noté »). Il raconte celles qui subissent en silence (« Vie de femme »), les existences jetées à la rue (« SDF »), la vie, l’amour, la mort, inséparables (« Dans ce piano tout noir »).

En 2008, c’est l’année de l’album Chez Leprest, sur lequel une quinzaine d’artistes chantent Allain Leprest autour du piano de Romain, maître d’œuvre de l’opération. Avec le temps, le lien entre les deux artistes devient un ciment. Deux inséparables. Que la mort finit par séparer, en 2011. Il faut terminer le CD Leprest symphonique, commencé avec Allain et achevé avec l’aide de copains talentueux Christophe, Daniel Lavoie, Sanseverino, Kent, Enzo Enzo, Jehan.

Après son nouvel album, De loin on aurait cru des oies (2011), il crée, au Festival d’Avignon, Au singulier, un nouveau spectacle, seul au piano.

En 2014, année riche, il écrit un conte musical, Les deux pins, avec Gil Chovet, crée au Festival d’Avignon D’Eon dit…Le chevalier, et compose toutes les musiques du nouveau CD de Jean Guidoni, Paris-Milan, sur des inédits d’Allain Leprest…On y revient toujours.

En 2015, il crée un nouveau spectacle, Dans ce piano tout noir, qui réunit en les fusionnant deux univers, celui de ses propres chansons et celui de chansons qu’il admire. L’année suivante, il enregistre l’album et enchaîne avec une série de concerts en Suisse, avec Jeanne Cheral et Vincent Delerm, autour de deux pianos et un mélange de trois mondes.

En 2019, contacté par l’orchestre National des Pays de la Loire pour jouer sur scène Leprest symphonique, il orchestre de nouvelles chansons puis crée à Nantes avec Clarika, Sanseverino, Cyril Mokaiesh et Dylan Corlay à la baguette, un Leprest en symphonique revisité.

2020, année COVID. Saint-Etienne du Rouvray et Coutances accueillent Leprest en Symphonique, avec l’orchestre de Normandie. Deux concerts avant l’écran noir.

Le moment est venu et le temps tout trouvé pour que Romain se consacre à l’écriture de son nouvel album. Paroles et musique. « Je suis entré dans la chanson par la musique, j’y suis resté par le texte. » On ne saurait mieux dire.

 

Crédits : Bernard Pascuito